Espagne, victime des crises, de grands travaux inutiles, et de la… corruption. Nicolas Klein
Dans le contexte morose initié en 2008, l’Espagne était considérée (et l’est encore par beaucoup) comme un « pays à risque » au regard de la rapide dégringolade qu’elle a connue à la suite de la crise des subprimes aux États-Unis d’Amérique. Entre 2007 et 2011, le produit intérieur brut espagnol a reculé de 5 % tandis que le nombre de demandeurs d’emploi passe de 1,7 million à 4,2 millions.
En parallèle, la Sécurité sociale enregistre en 2011 sa première année de déficit (600 millions d’euros de trou) et le déficit public explose jusqu’à 10 % du produit intérieur brut[1].
La dette publique, qui avait été assainie sous les deux mandats du président du gouvernement conservateur José María Aznar (1996-2004) et n’atteignait plus que 35,60 % du PIB en 2007, a explosé 100,40 % de la richesse nationale en 2014[2]. Elle est aujourd’hui stabilisée autour de 98 % à 99 % de cette même richesse[3].
Sur le front de l’emploi, la situation ne s’est pas améliorée jusqu’au premier trimestre de l’année 2013, avec un taux officiel de 26,94 % de la population active [4]. Chez les jeunes de vingt-cinq ans ou moins, le taux de chômage a battu tous les records à cette période avec 56,92 % de personnes sans emploi[5].
La chute des salaires a elle aussi été particulièrement accusé, notamment chez les movers (ceux qui ont changé d’emploi au cours de la crise ou ont accédé à un premier poste de travail à cette période), avec une perte moyenne de 4,1 % de 2008 à 2015 (contre une augmentation moyenne de 4,5 % chez les stayers, ceux qui ont conservé leur emploi dans le laps de temps considéré)[6]. En moyenne, de 2010 à 2017, le salaire annuel brut a plongé de 4,4 % en Espagne (contre 1 % en Finlande, 2,4 % au Royaume-Uni, 8,3 % au Portugal ou encore 19,1 % en Grèce), selon des données fournies l’Institut syndical européen (ETUI)[7].
L’institut européen des statistiques (Eurostat) expliquait pour sa part il y a peu que près de la moitié des travailleurs espagnols (49,4 % pour être précis) risquaient de passer sous le seuil de pauvreté de l’Union européenne (contre 38,4 % en France mais 70,8 % en Allemagne)[8].
Outre-Pyrénées, le seuil de pauvreté (umbral de pobreza) s’établissait en 2016 à 8 209 euros par personne[9] et le pourcentage d’individus qui se trouvaient en-dessous de cette ligne au mois de juin 2017 était de 27,9 % (3,2 % de plus qu’en 2009)[10]. Des données récentes sont encore plus alarmantes puisque l’Espagne serait le pays de l’Union européenne avec le plus de travailleurs pauvres – près de 15 % des foyers du pays vivant sous le seuil de pauvreté, tout du moins selon les calculs de l’Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE)[11]. Les Commissions ouvrières (l’un des deux principaux syndicats espagnols) abondent dans ce sens en affirmant que le taux de précarité (c’est-à-dire le rapport entre contrats à durée déterminée et contrats à durée indéterminée) espagnol s’établit à près du double de la moyenne de l’UE (26,1 % contre 14,2 %)[12]. De grandes tribunes déplorent d’ailleurs cette situation et appellent à un changement de politique économique de la part du gouvernement et des instances européennes[13].
Sur une base de 100 correspondant à l’année 2019, le pouvoir d’achat des Espagnols est tombé jusqu’à 93 en 2013 avant de remonter légèrement jusqu’à 94,6 en 2016[14]. Cette perte sèche a surtout touché les déciles les plus pauvres de la population (- 20,5 % pour les 10 % de travailleurs les plus pauvres, – 11,1 % pour le décile immédiatement supérieur)[15]. La dévaluation interne subie par les Espagnols suscite dans tous les cas de multiples commentaires en fonction des méthodes, des sources, des intérêts politiques, etc.[16]
D’autres indicateurs ont viré au rouge entre 2009 et 2015, comme l’effondrement de l’investissement dans la pierre (l’on est ainsi passé d’une base 100 à 76,6), de l’investissement public (de 100 à 91,6) ou de la consommation des ménages (de 100 à 95,3), selon des données de la Banque d’Espagne[17].
L’on pourrait multiplier les indicateurs à l’envi et tous (ou presque) brossent un portrait sombre de notre voisin ibérique dans la tourmente. Il faut dire que cette crise économique et financière a eu de désastreux effets sociaux, sans même parler du taux de chômage[18].
En 2014, au début de la reprise économique que nous allons évoquer plus loin dans ce dossier, 700 000 familles vivaient outre-Pyrénées sans aucune ressource et 3,5 millions de chômeurs étaient sans emploi depuis plus d’un an[19]. À l’heure actuelle, 800 000 enfants vivent dans une famille sans source de revenu aucune, ainsi que l’indique l’organisation non gouvernementale Save the children[20].
Du côté des personnes expulsées de leur logement pour impayé, 48 410 cas étaient encore recensés en 2016. Ce chiffre culminait à plus de 70’000 en 2014, ce qui en dit long sur le drame humain qui s’est joué à ce niveau[21].
Il est encore très difficile pour les étudiants ou les jeunes travailleurs de devenir financièrement autonomes et, de fait, environ 40 % vivaient encore chez leurs parents à la fin de l’année 2017[22]. Au début 2018, selon un sondage de l’Union européenne, 28 % des Espagnols âgés de 20 à 34 ans, et au chômage, seraient prêts à quitter le continent pour trouver un emploi à l’étranger. Avec ce score, l’Espagne arrive en seconde place derrière la Suède (34 %)[23].
Il ne s’agit toutefois pas d’être exhaustif mais de rappeler quelques éléments importants afin de délimiter le cadre de l’économie espagnole au plus fort de la crise. Faire une liste de toutes les conséquences socio-économiques de cette dépression serait de toute manière une tâche impossible et qui n’aurait que peu d’intérêt. En revanche, les quelques données qui précèdent sont suffisamment frappantes pour que l’on soit d’accord avec Benoît Pellistrandi lorsque ce dernier parle d’une « charnière » ou d’une « inflexion » concernant la date de 2011, qui marque aussi le changement de majorité en faveur des conservateurs outre-Pyrénées[24].
Quant aux causes de ce chamboulement, elles sont aujourd’hui bien connues. Les origines de la crise sont en premier lieu à chercher à l’extérieur de l’Espagne : crise des subprimes aux États-Unis d’Amérique, krach boursier mondial à partir de 2007-2008, faillites en série d’entreprises dans de nombreux pays, dysfonctionnements intrinsèques à la zone euro[25], ralentissement de l’économie de la planète, etc. Les causes endogènes ont elles aussi été pointées très tôt par les observateurs. Notre voisin pyrénéen a en effet souffert d’une bulle immobilière nourrie à la fois par le cours de l’euro, le flux de liquidités qui caractérisait le pays à l’époque, le crédit facile aux particuliers et le désir de nombreux Espagnols d’accéder à la propriété.
L’on estime que 850 000 nouveaux logements voyaient débuter leur construction en 2006 dans cette nation, soit plus que l’Allemagne, la France et le Royaume-Unis ensemble[26]. Durant la période comprise entre 2000 et 2007, le parc immobilier espagnol a engrangé 5,7 millions de logements supplémentaires, qui devaient aussi servir à installer les nombreux émigrés venus aussi bien des pays en voie de développement (Roumanie, Ukraine, Maroc, etc.) que de nations développées (Royaume-Uni, Allemagne, Suède, etc.)[27]
Par conséquent, le secteur privé (aussi bien les ménages que les compagnies) s’est lourdement endetté et son passif représentait 92 % du produit intérieur brut espagnol en 2011[28]. Devenus consommateurs, les Espagnols ont provoqué de formidables importations qui ne pouvaient être compensées par les rentrées du tourisme ou les exportations. Le déficit de la balance des paiements de notre voisin ibérique atteignait par conséquent le chiffre faramineux de 9,6 % du PIB en 2007[29].
Le flux d’argent depuis la Banque centrale européenne était considérable, là où d’autres États (comme l’Allemagne) épargnaient massivement… Cet argent servait à financer des projets d’infrastructures pharaoniques dont certains ont été de véritables éléphants blancs[30]. Outre les grands complexes immobiliers parfois jamais occupés (comme le parc financé par Francisco Hernando à Seseña, en Castille-La Manche, au Sud de Madrid, ou le complexe Valdeluz de Yebes, à l’Est de la capitale), des aéroports (celui de Ciudad Real ou celui de Castellón de la Plana), des édifices publics (à l’instar de la Cité de la Justice de Madrid) et des installations sportives ou culturelles (comme la Cité des Arts et des Sciences de Valence, le circuit automobile Ricardo-Tormo à Cheste, etc.) sont sortis de terre sur les derniers publics, parfois en pure perte. Dans certains cas, les médias ont été jusqu’à parler de rutas del despilfarro (« itinéraires du gaspillage ») pour évoquer ces constructions flambant neuves qui ont encore bien du mal à être rentabilisées[31].
Cette utilisation abusive de l’argent public, accompagnée de scandales de corruption et de détournements de fond, n’a épargné aucun parti ni aucune communauté autonome espagnole. De la Communauté de Madrid à la Catalogne[32], de la Galice à l’Andalousie, de la Communauté de Valence à la Castille-et-León mais aussi du Parti populaire (PP)[33] au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE)[34] en passant par la Gauche unie (IU)[35], Convergence et Union (CiU), la Gauche républicaine de Catalogne (ERC)[36] ou le Parti nationaliste basque (PNV)[37], tout le monde est impliqué et les « nouveaux partis » ne font pas nécessairement mieux[38]. Deux faits inédits ont émaillé cette ribambelle de scandales : Mariano Rajoy, alors président du gouvernement en exercice, a été appelé à témoigner dans une affaire concernant son propre parti[39], tandis que l’infante Christine, sœur du roi Philippe vi, s’est elle aussi retrouvée face au juge dans l’affaire Nóos[40].
L’éclatement de la bulle immobilière dont nous parlions précédemment s’est également conjugué à un marché du travail rigide, coutumier des envolées du taux de chômage[41], ce qui a aggravé la crise[42]. Pour faire face à des comptes publics dans le rouge, tenter de résoudre une situation plus que délicate et obéir aux directives de la Commission européenne, les présidents du gouvernement José Luis Rodríguez Zapatero puis Mariano Rajoy n’ont pas pu modifier le taux de change de la monnaie espagnole (c’est pourtant ce qui avait servi de soupape aux plus graves bouleversements économiques depuis les années 70). Ils ont alors été contraints de procéder à des ajustements structurels, c’est-à-dire d’administrer une cure d’austérité au plus faibles de leurs concitoyens (augmentation des impôts, gel ou suppression de certaines aides, moindre financement des services publics, etc.)[43]. Nous ne reviendrons pas en détail sur ces décisions douloureuses qui ont jeté dans la précarité et l’incertitude une bonne partie des Espagnols[44].
La dégradation généralisée des conditions de vie de nos amis espagnols, couplée à l’indignation face au monde politique, a entraîné des remous bien au-delà de l’économie, modifiant les revendications populaires[45], entraînant l’émergence de partis jugés « nouveaux »[46], provoquant la fragmentation électorale et parlementaire[47] et marquant durablement la société dans tous ses compartiments[48]. Ce sont tous ces facteurs qui permettent de comprendre l’ambiance pessimiste[49] qui s’est installée outre-Pyrénées ces dernières années et le sentiment de fracture qui domine dans le pays : « À propos de la crise, les Espagnols partagent l’impression d’une rupture irréversible et d’une bifurcation vers un nouvel état, plus incertain, du monde qui les entoure. Ils font, difficilement, le deuil collectif de la prospérité passée. Comme l’exprime Xavier Sala y Martin (professeur à l’université de Columbia) : « Pour les Espagnols, le monde de 2006 a disparu ».
Pour comprendre la situation, ils essaient d’abord de comparer la trajectoire internationale du pays. Ils se comparent avec le Portugal et la Grèce, où le sort de la jeunesse, les vagues de protestation populaire, l’étranglement des finances publiques sous les injonctions extérieures semblent comparables, même si les Espagnols se plaisent à souligner qu’ils n’ont pas fait l’objet de « sauvetage » de la BCE.
D’autres observateurs préfèrent mettre en perspective le pays avec l’Argentine des années 1980, elle aussi étouffée par des politiques d’ajustement du FMI. Une autre grille de lecture est également convoquée, celle de l’histoire. La crise contemporaine est reconnue comme un événement de grande portée historique, comparable à la récession des années 1930. Si, en 1929, le Dow Jones avait perdu 32 % sur un an, l’IBEX a perdu 39 % de sa valeur en 2008. Le climat politique et social délétère rappelle aussi la descente aux enfers des années 1930.
Tout au long du deuxième mandat de José Luis Rodríguez Zapatero (2008-2011), le basculement dans la dépression s’est déroulé dans une ambiance étrange, avec une curieuse sensation d’apesanteur. Devant l’avalanche quotidienne de mauvaises nouvelles (l’onde destructrice et incontrôlable du chômage, la perte de contrôle des acteurs politiques), le pays entier s’interrogeait.
Les nombreuses critiques adressées par les médias internationaux au modèle de développement espagnol et à la passivité des gouvernements étonnent une partie de la classe intellectuelle. Comment accepter que le gouvernement, qui a sauvé le système financier, ou du moins le secteur bancaire, soit l’année suivante « puni » par les marchés pour un endettement excessif lié en bonne partie à ce sauvetage ?
À destination du lecteur intérieur, les journalistes et universitaires débattent aussi de la crise économique en la reliant à un constat plus profond et plus sévère, oscillant entre la mise en accusation d’un modèle politique et économique (celui des promoteurs et des politiques corrompus) et la critique des comportements sociaux et culturels, avec parfois des accents moralisateurs (sur le mode de l’expiation collective et de la catharsis).
Ce reniement des excès passés n’est pas sans effets sur le climat général et, si la manipulation des émotions collectives est aussi un outil du capitalisme, il y a courant 2012 une sorte de spéculation à la baisse sur le moral d’un pays tout entier : les agences de notation et les investisseurs spéculant sur la prime de risque de l’Espagne le savent et en ont bien profité.
Plus profondément cependant, la réflexion sur les échecs historiques de l’Espagne est remobilisée. Le pays se repenche sur le trauma de 1898 (perte des dernières colonies d’outre-mer, Cuba et les Philippines) et sur les raisons profondes d’une si faible participation de l’Espagne à la révolution industrielle au xixe siècle. Le pays revient aussi sur son rapport complexe à l’Europe : pourquoi n’a-t-il pas davantage profité de l’intégration européenne de 1986 pour opérer des réformes structurelles et s’aligner sur la productivité des autres pays européens ? La vieille idée d’une spécificité espagnole (« España es diferente ») fait écho à un sentiment d’inachèvement des mutations espagnoles.
Cette vision décadente concorde avec les discours qui envisagent la crise comme le marqueur d’une série de « décrochages » plus généraux de toute la zone euro-méditerranéenne. Le climat pèse sur les indices de consommation : beaucoup d’Espagnols, hier plutôt confiants et optimistes, vivent désormais avec la peur du lendemain »[50].
Nicolas Klein, agrégé d’espagnol, et professeur en classe préparatoire aux grandes écoles à Nancy
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[1] Voir Pellistrandi, Benoît, « L’Espagne, un pays à risque ? » in Études, Paris : Société d’Édition de Revues, décembre 2015, pages 7-17.
[2] Voir le graphique de Datos Macro : https://www.datosmacro.com/deuda/espana.
[3] « La deuda pública sube 12.164 millones de euros y toca nuevos máximos », La Vanguardia, 17 avril 2018.
[4] Voir le tableau de l’Enquête de Population active (EPA) sur le site de l’Institut national des Statistiques (INE) : http://www.ine.es/prensa/epa_tabla.htm.
[5] Voir les tableaux de l’Enquête de Population active (EPA) sur le site de l’Institut national des Statistiques (INE) : http://www.ine.es/jaxiT3/Tabla.htm?t=4247.
[6] Voir Sánchez Vicente, Teresa, « ¿Ha terminado la crisis económica en España? », ABC, 27 novembre 2017.
[7] Voir « Des salaires plus bas qu’avant la crise », Euronews, 29 mars 2018.
[8] Voir Jenik, Claire, « Les pays où les chômeurs sont les plus menacés de pauvreté », Statista, 1er mars 2018.
[9] Voir Datos Macro : https://www.datosmacro.com/demografia/riesgo-pobreza/espana.
[10] Voir La precariedad laboral domina todo, Madrid : Secrétariat aux Politiques sociales, à l’Emploi et à la Sécurité sociale de l’Union générale des Travailleurs, 2017, page 4.
[11] Voir Gómez, Manuel, « España es el país de la UE con más porcentaje de trabajadores pobres », El País, 10 mai 2018.
[12] Voir « La tasa de precariedad en España casi duplica la europea », 20 minutos, 8 mai 2018.
[13] Voir, par exemple, Roldán Monés, Toni, « Contra el precariado », El Mundo, 24 février 2018.
[14] Voir La precariedad laboral domina todo, op. cit., page 19.
[15] Ibid., page 20.
[16] Voir, par exemple, Alonso, Cristina, « Los sueldos en España llegaron a caer un 12% por la devaluación de la crisis », El Economista, 16 février 2018 et « La recuperación económica en España premia 4 veces más a los ricos que a los pobres », ABC, 22 janvier 2018.
[17] Voir Vega, José Antonio, « Así ha cambiado la economía española », Cinco Días, 1er décembre 2017.
[18] Notons au passage que plusieurs mécanismes socio-économiques (travail non déclaré, solidarité familiale et intergénérationnelle, capacité de nombreux Espagnols à créer leur micro-entreprise ou à cumuler les emplois à temps partiels, etc.) ont permis de surmonter cette crise dans la douleur. Il n’est pas du tout certain qu’avec un taux de chômage officiel avoisinant les 27 %, la France eût pu tenir sans voir son tissu social se déliter.
[19] Voir Gómez, Manuel, « Casi 700.000 hogares carecen de cualquier tipo de ingreso », El País, 23 janvier 2014.
[20] Voir Bosch, Rosa, « Unos 800.000 niños viven en familias sin ningún empleo », La Vanguardia, 14 février 2017.
[21] Voir Rallo, Juan Ramón, « Los desahucios también han superado la crisis », El Confidencial, blog Laissez-faire, 8 septembre 2017.
[22] Voir « El 39% de los jóvenes españoles aún vive con sus padres », ABC, 7 octobre 2017.
[23] Voir « Los jóvenes parados de España, entre los más dispuestos a abandonar Europa para buscar trabajo », El Economista, 27 mars 2018. Une enquête très intéressante réalisée en 2014 par l’Institut universitaire européen de Florence étudie avec précision la composition et les causes de l’émigration des jeunes diplômés d’Europe du Sud et d’Irlande (voir Gropas, Ruby et Triandaffylidou, Anna, Emigrating in times of crisis – Highlights and new data from an e-survey on high-skilled emigrants from Southern Europe and Ireland, Florence : presses de l’Institut universitaire européen, 2014). Le sujet de l’émigration des Espagnols suite à la crise de 2008 est vaste et demanderait un article entier. Nous nous contenterons de noter ici que les chiffres de cet « exode » espagnol ont souvent été mal analysés ou surestimés dans les médias français, qui ont notamment fait courir le bruit que nos voisins pyrénéens partaient massivement en Allemagne – ce qui est faux. La majeure partie des deux millions d’expatriés espagnols (quasiment 700 000) vivent en Amérique et seuls 122 000 se sont installés durablement outre-Rhin (voir González Urbaneja, Fernando, « La fuga de cerebro joven no es a miles », ABC, blog Nuestro dinero, 25 mars 2014). Par ailleurs, selon des statistiques de l’Organisation des Nations unies datées de 2015, 2,7 % des Espagnols vivent actuellement à l’étranger, contre 3,3 % de Français, 5 % d’Allemands, 7,6 % de Britanniques ou encore 22,3 % de Portugais (voir la carte réalisée à ce sujet par Jakub Marian sur son site : https://jakubmarian.com/emigration-in-europe-destination-countries-and-percentages-of-emigrants/). Ajoutons pour terminer que, depuis 2014-2015, le nombre d’expatriés espagnols qui font le choix de rentrer dans leur pays d’origine augmente drastiquement (voir Jorrín, Javier, « Los emigrados españoles vuelven a casa: el retorno de nacionales se dispara un 20% », El Confidencial, 14 décembre 2017).
[24] Voir Pellistrandi, Benoît, « Comprendre la crise espagnole – Une inflexion entre deux époques ? » in Confluences Méditerranée, Paris : L’Harmattan, 2012, n° 80, pages 57-68.
[25] Voir, par exemple, « Pourquoi l’euro est condamné », site de l’Union populaire républicaine : https://www.upr.fr/pourquoi-euro-est-condamne.
[26] Voir Chislett, William, A new course for Spain – Beyond the crisis, Madrid : Institut royal Elcano, 2016, « How Spain landed itself in a mess », page 21.
[27] Id.
[28] Ibid., page 22.
[29] Id.
[30] Ibid., page 23.
[31] Ibid., pages 23-24.
[32] Selon des données du Conseil général du Pouvoir judiciaire datées du 31 juillet 2017, la Catalogne est la communauté autonome avec le plus de responsables politiques inculpés pour corruption (303 personnes), devant l’Andalousie (153 individus) et la Communauté de Madrid (145 personnes inculpées). L’on peut citer la fameuse affaire des 3 %, qui a largement éclaboussé la Convergence démocratique de Catalogne (CDC), ancienne formation dont sont issus Artur Mas et Carles Puigdemont (voir, par exemple, « El juez reactiva el caso del 3% », Economía digital, 17 avril 2018). Puigdemont est lui-même entouré d’un halo de corruption présumée suite à son passage à la mairie de Gérone, ville catalane qu’il a dirigée de 2011 à 2016 (voir Muñoz, Pablo et Morcillo, Cruz, « Puigdemont, contra las cuerdas por un saqueo millonario en la empresa de aguas de Gerona », ABC, 19 septembre 2017).
[33] Parmi les très nombreuses affaires dans lesquelles est empêtré le PP, la plus emblématique est probablement l’affaire Gürtel, qui tourne autour de la personne de Francisco Correa, ancien entrepreneur dans l’événementiel, et a éclaboussé toute la formation (voir, par exemple, Casado, Antonio, El Confidencial, blog Al Grano, « El PP sobrevivió a Gürtel pero no a Cifuentes », 10 mai 2018).
[34] Outre l’affaire des ERE, qui a amené deux anciens présidents régionaux sur le banc des accusés en Andalousie (voir López Pavón, Teresa, « El régimen clientelar del PSOE andaluz se sienta en el banquillo por el caso de los ERE », El Mundo, 11 décembre 2017), le PSOE est aussi sur la corde raide dans la Communauté de Valence (voir Basteiro, Daniel, « La sombra de la corrupción cambia de acera en Valencia: PSOE y Compromís, investigados », El Español, 29 mars 2018). Les scandales ne manquent pas dans la formation et chez ses alliés locaux.
[35] L’affaire Majestic semble relier ce parti de « gauche radicale » à la mafia russe (voir De la Gama, Amparo, « El caso Majestic: la «Gürtel comunista de IU» financiada por la mafia rusa en Casares », El Confidencial, 24 octobre 2016).
[36] Proportionnellement parlant, la commune rurale de Susqueda, fief historique des séparatistes catalans de l’ERC, est la « commune la plus corrompue d’Espagne » car c’est elle qui compte le plus d’anciens dirigeants aujourd’hui accusés d’avoir utilisé le budget municipal de manière illégale (voir Pareja, Pol, « Susqueda, el pueblo más corrupto de España », El Español, 29 août 2016).
[37] Longtemps épargné par cette vague de corruption, le PNV voit depuis le début de cette année plusieurs de ses anciens responsables être jugés dans l’affaire de Miguel (voir Segovia, Mikel, « El PNV, ante el mayor juicio por corrupción jamás celebrado en España », El Independiente, 7 janvier 2018).
[38] Voir, par exemple, « Salta un grave caso de corrupción en Podemos Madrid y golpea de lleno a Espinar », EsDiario, 28 novembre 2017.
[39] Voir Thill, Anne-Sophie, « En Espagne, Mariano Rajoy, témoin clé d’une affaire de corruption », La Croix, 26 juillet 2017.
[40] Voir, par exemple, « La Abogacía del Estado reclama más dinero a la infanta Cristina por el caso Nóos », Público, 21 mars 2018.
[41] Le taux de demandeurs d’emploi était de 21,5 % (soit 3 millions de personnes) en 1986 avant de redescendre jusqu’à 16,9 % (2,7 millions d’actifs inoccupés) au début de l’année 1992. Il a ensuite repris sa hausse jusqu’à 24,5 % (3,9 millions d’Espagnols) en 1993 (voir Sánchez-Silva, Carmen, « Historia de un paro que no cesa », El País, 20 novembre 2015).
[42] Voir Chislett, William, op. cit., « The dysfunctional labour market », pages 29-36.
[43] Ibid., « Austerity measures », pages 26-29. Voir également, pour plus de détails, Buesa, Mikel, La pachorra conservadora – Política y economía en la gobernación de Rajoy, Madrid : La Esfera de los Libros, 2015, et Schweisguth, Danielle, « Espagne : championne de la rigueur » in Revue de l’OFCE, Paris : presses de l’Institut des Sciences politiques, 2012, n° 123, pages 131-135.
[44] Ceux qui comprennent l’espagnol peuvent découvrir un très bon documentaire au sujet du déclenchement de la crise de 2008 intitulé Bancarrota, las causas de la crisis española. À défaut, voir également Pellistrandi, Benoît, « L’Espagne dans la crise – Enjeux nationaux, horizons européens » in Études, Paris : Société d’Édition de Revues, 2011, tome 214, pages 163-173.
[45] À l’instar du mouvement du 15 mai, plus connu en français sous le nom de « mouvement des indignés ».
[46] Pour l’essentiel, la « gauche radicale » de Podemos et les centristes libéraux de Citoyens (Ciudadanos).
[47] Voir Klein, Nicolas, « Fragmentation électorale et division socio-politique – Le cas espagnol » in Perspectives libres, Paris : éditions Perspectives libres, janvier-mars 2016, n° 17 (Stasis : penser le chaos), pages 193-207. Pour aller plus loin, voir Klein, Nicolas, Rupture de ban – L’Espagne face à la crise, Paris : éditions Perspectives libres, 2017.
[48] Voir notamment Béja, Alice et Ramoneda, Josep, « L’Espagne au bord de la crise de nerfs » in Esprit – Revue internationale, Paris : éditions Esprit, novembre 2012, pages 125-127.
[49] Voir « España se instala en el pesimismo », El País, 14 mai 2018.
[50] Baron, Nacima et Loyer, Barbara, L’Espagne en crise(s) – Une géopolitique au xxie siècle, Paris : Armand Colin, 2015, « Chocs et contre-chocs dans la société espagnole », pages 64-65.
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