La baisse du taux de conversion à 6% ne serait-elle qu’un début? Avec Prévoyance 2020, vos rentes LPP pourraient bien subir un jour ou l’autre quelques réajustements supplémentaires. Il suffirait d’une nouvelle crise financière…
Alors que des milliers de foyers helvétiques comptent sur les revenus de leurs capitaux LPP pour maintenir leur niveau de vie à la retraite, de telles espérances pourraient très bientôt devenir parfaitement illusoires.
Avec Prévoyance 2020, les taux de conversion minimaux des capitaux LPP en rentes seront en effet déterminés par des institutions de prévoyance privées. Et ce, sans limitation aucune en termes de baisse des rentes !
Une évolution qui n’est pas due au seul Conseiller fédéral Alain Berset, simple continuateur d’un projet lancé par la classe politique suisse il y a une dizaine d’années déjà.
Les enjeux cachés du référendum du 7 mars 2010
Rappelons avant tout qu’en décembre 2008, le Parlement avait adopté un projet de loi du Conseil fédéral qui prévoyait d’abaisser les taux de conversion des capitaux LPP de 6.8% à 6.4%.
Or, cette réforme avait été bloquée par un référendum d’initiative populaire en mars 2010, plus de trois-quarts des votants s’étant opposé à la perspective d’une baisse – limitée mais sensible – de leurs pensions de retraités.
Excellent réflexe, serait-on tenté de dire. Car ce texte en apparence assez banal ne s’arrêtait pas là…
Il autorisait en effet les autorités fédérales à adopter de nouvelles baisses des taux de conversion sur la base de certaines données statistiques… fournies par les institutions de prévoyance elles-mêmes ! (1)
En vertu de quoi, le Conseil fédéral s’attendait à ce que le taux de conversion puisse baisser jusqu’à 6% « à long terme ». (2)
Le gouvernement suisse avait dans tous les cas clairement exprimé au Parlement son souhait de pouvoir rapidement procéder à des abaissements des taux de conversion en-dessous des 6.4% « si nécessaire ». (3)
Le taux de 6.4% sur lequel les citoyens étaient appelés à voter était donc illusoire. De même que le taux de 6% prévu « à long terme » par le Conseil fédéral. En réalité, les taux de conversion devaient être adaptés automatiquement tous les cinq ans – et ce en fonction de paramètres techniques fournis par les « caisses de pension autonomes ». (1)
Voici donc ce qui se cachait derrière la formulation passablement anodine de l’article 14 al. 3 du nouveau texte de loi :
« Le Conseil fédéral présente un rapport à l’Assemblée fédérale tous les cinq ans, la première fois en 2011. Ce rapport contient les éléments qui permettent de déterminer le taux de conversion minimal des années suivantes. » (4)
Mais malgré toute l’habileté de ses élites politiques, le peuple suisse avait absolument refusé d’entrer en matière !
Le projet de loi mal-aimé n’en réapparaîtra pas moins peu de temps après sous l’appellation Prévoyance vieillesse 2020 – accompagné de nouvelles mesures destinées à « maintenir le niveau des prestations de vieillesse ».
Entre autres améliorations, le texte voté par le Parlement le 17 mars 2017 prévoyait cette fois-ci de laisser aux autorités fédérales la possibilité d’« adapter » le niveau des rentes LPP – non plus tous les cinq ans, comme en 2008… mais à tout moment !
« Le taux de conversion minimal s’élève à 6 % à l’âge de référence. […] Le Conseil fédéral soumet un rapport à l’Assemblée fédérale tous les cinq ans au moins. Ce rapport contient les bases [techniques] qui permettent de déterminer le taux de conversion minimal des années suivantes. » (5)
Une disposition qui pourrait s’avérer fort utile pour rééquilibrer rapidement les comptes des caisses de pension en cas de krach financier majeur. N’oublions pas, en effet, que Prévoyance 2020 permettra notamment de lier le calcul des taux de conversion minimums au taux de rendement des capitaux LPP sur les marchés financiers (cf. note 2)…
Par Vincent Held, Master en Finance (Lausanne) et auteur du Crépuscule de la Banque nationale suisse, à paraître en septembre aux Éditions Xenia.
Notes et références
(1) « Les bases techniques retenues lors de la 1re révision LPP pour fixer le taux de conversion à 6,8 % en 2015 résultaient d’une projection des données des caisses autonomes (CFA, VZ finalement aussi LPP). […] Suivant le rapport du groupe de travail et parce qu’elle est toujours d’actualité, c’est la table LPP 2000 qui a été utilisée, et c’est sur cette base que le taux de conversion minimal de 6,4 % a été calculé. Publiée en décembre 2002, cette table rassemble les données de douze institutions de prévoyance autonomes qui assurent le personnel d’entreprises privées. » (« Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi sur la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité », 22.11.2006)
(2) « Selon le rapport, un taux à long terme compris entre 6,0 et 6,4 % peut être considéré comme approprié. Ces variantes reposent sur des expectatives de rendement allant de 3,35 à 4,00 %. » (Source : ibid.)
(3) « Le premier rapport paraîtra suffisamment tôt, en sorte que l’on dispose […] avant que le taux cible de 6,4 % soit atteint des résultats les plus récents et que l’on puisse procéder si nécessaire à une nouvelle adaptation [du taux de conversion minimal] sans interruption notable, vu les incertitudes actuelles. » (Source : ibid.)
(4) « Prévoyance professionnelle – taux de conversion », Objet du Conseil fédéral N°06.092, Texte soumis au vote final, 19.12.2008
(5) « Prévoyance vieillesse 2020 », Objet du Conseil fédéral N°14.088, Texte pour le vote final (modification de la LPP, art. 14 al.3), 17.03.2017
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